L’évasion
Sous la lumière de la lune descendante, le petit hibou lutte et se démène pour rompre le lien qui enserre sa patte. Il ne veut pas mourir mangé comme ses parents, arrivera-t-il à s'échapper et trouver refuge ailleurs ?
Chapitre 1 : La fuite
Sous la lumière de la lune descendante, le petit hibou lutte et se démène pour rompre le lien qui enserre sa patte. Il donne des coups de becs sur la corde, qui s’effiloche peu à peu.
Il a réussi à franchir la porte de la sombre et immense verrière où il a vécu enfermé toute sa vie.
A l’autre bout du lien, un grand hibou au regard mauvais tire de son côté pour ramener le fugitif.
L’issue est incertaine, le petit oiseau n’est pas assez fort pout résister longtemps. Mais il ne veut plus être l’esclave de l’aigle-roi et de sa cour de grands-ducs, ni l’objet de leur violence, de leur profond mépris. Il ne veut pas mourir comme ses parents, et tire, tire, donne des coups de bec ! …
Soudain, la corde casse ! Le petit hibou bascule, se relève et se précipite vers le sous-bois proche, courant sur ses petites pattes.
Le grand hibou s’envole pour le rattraper, le punir, le manger …
Otus, c’est le nom du petit hibou, s’est caché dans une souche d’arbre ; son plumage gris et sa petite taille le servent bien, pour une fois.
Il entend le battement feutré des ailes de son ennemi passer et repasser, et ferme les yeux pour éviter tout reflet qui le trahirait.
Les heures passent, le jour se lève.
Otus ne bouge toujours pas. Il pense à ses parents, mangés quelques jours auparavant pas l’aigle-roi de la verrière.
Des petits hiboux aimants, affectueux, mais tellement faibles face aux oiseaux dominants … La force de leur amour n’a pas suffi à les sauver ; au fond de sa cache, il se désespère de ce monde violent.
Il doit s’enfuir, vite, mais pour aller où ? Et il ne sait pas voler, il n’avait pas le droit.
Ses parents lui ont parlé plusieurs fois d’une verrière accueillante et baignée d’une belle lumière, loin en direction du sud.
Il décide de partir à sa recherche !
La nuit tombée, Otus se met en route et contourne largement la sombre verrière. Les grands hiboux sont déjà sortis en quête de nouvelles proies, de nouveaux esclaves.
Il fait bien attention à rester à couvert, et observe étonné le monde hors de la verrière. Le vent, le bruissement des feuilles dans les arbres, le pas délicat de l’araignée sur le sol, la faible lumière des étoiles qu’il aperçoit pour la première fois, le hululement d’autres hiboux …
Il inspire profondément et ressent la richesse et la profondeur de sa connexion avec ce monde qui l’entoure !
Crac ! Son attention relâchée un instant, il marche sur une branchette qui se brise en faisant un bruit de tonnerre ! Vite, il se coule dans un petit trou du sol et reste immobile, le cœur battant. Deux grands hiboux viennent d’arriver, et descendent en fonçant directement vers lui.
Soudain, une claire lumière apparaît de nulle part et les aveugle. Surpris, ils remontent … La lumière disparaît. Perturbés, les grands hiboux reprennent leurs recherches, mais un peu plus loin. Ouf !
Plus tard, Otus reprend sa route. Quelle chance il a eu ! Sa mère lui parlait de sa bonne étoile, peut-être lui a-t-elle sauvé la vie ? Il lui a semblé un moment que cette lumière sortait de son corps, mais ça ne peut pas être ça !
Il a faim mais ne sait pas comment se nourrir dans ce monde. Il marche lentement, … longtemps. …
Au détour d’un arbre, il aperçoit au loin une nouvelle verrière, sombre et immense elle aussi.. Ainsi, il y en a d’autres dans ce monde, pense-t-il, tremblant de peur! Il reste immobile un bon moment, évaluant les risques d’en être si proche.
Un bruit à gauche le fait sursauter. Il tourne la tête et aperçoit un petit hibou qui s’approche.
– que fais-tu ici, lui demande celui-ci ?
– Je cherche une verrière lumineuse et accueillante, plus au sud, répond Otus, soulagé de rompre sa solitude.
– Ce n’est pas ici que tu la trouveras ! cette sombre verrière sème la désolation et la mort dans toute la région.
– Oui, je m’en doute. Mais toi, que fais-tu ici, à te mettre en danger, si près ?
– Je suis un guetteur !
– Un guetteur ?
– Oui, pour prévenir mon clan quand les grands hiboux sortent.
– Un clan ?
– Oui, un clan. Si tu veux, je t’y emmène à la fin de mon tour de garde. Je m’appelle Pilo.
– Et moi Otus.
Deux heures plus tard, Otus rejoint le clan avec son nouvel ami. Il est accueilli par l’un des anciens.
– Bonjour petit hibou, je m’appelle Kotis. Qu’est-ce que tu fais ici, tout seul ?
– Bonjour, je m’appelle Otus, et je suis à la recherche d’une verrière lumineuse et accueillante, plus au sud.
– Oui, j’en ai entendu parler, mais je crois que c’est une légende ; les verrières que j’ai connues étaient toutes sombres, hélas ! Veux-tu te reposer et te nourrir avec nous ?
– Oh oui, avec plaisir, merci ! Je reprendrai ensuite ma route.
Il apprécie son repos au creux d’un arbre à l’odeur délicate, et la nourriture variée et délicieuse à base de petits insectes.
Au crépuscule suivant, Pilo vient prévenir Otus : les grands ducs sont sortis de la verrière en quête de chair fraiche ! Il ne faut plus bouger, ne plus faire un bruit, rien ! Otus entend à nouveau le vol feutré des grands hiboux, qui passent, repassent, et explorent tout le territoire.
Il a peur, se fait tout petit dans son trou d’arbre, et se désespère une nouvelle fois de la violence de ce monde.
L’alerte est enfin levée. Le clan n’a pas été repéré, et n’aura donc pas à déménager en urgence vers un autre endroit du sous-bois.
Otus remercie les oiseaux qui l’ont accueilli puis reprend son voyage vers le sud. Il se repose en journée, caché dans des petits trous d’arbres ou dans le sol, et voyage la nuit, avec prudence, sur ses petites pattes. Il prend de l’assurance, sait maintenant comment éviter les principaux dangers, se nourrit quand il le peut d’insectes trouvés ici ou là.
Un matin, fatigué par sa marche nocturne, il s’endort et rêve qu’il trouve enfin la verrière lumineuse.
Il se réveille à la fin du jour, surpris d’avoir dormi si longtemps, et soulagé d’être encore vivant !
Il reprend sa route, mais … quelque chose l’intrigue. Les sens en alerte, il observe longuement son environnement, les sons, les mouvements, les odeurs qui pourraient signaler un danger … Rien …
Et puis un déclic se fait : ce chemin, il le connaît, c’est celui qu’il a parcouru dans son rêve !
Il marche, marche … Le soleil va bientôt se lever. Otus sait qu’il est maintenant très proche de la verrière lumineuse et presse le pas.
Soudain, une ombre, un bruit d’ailes feutré, un grand hibou plonge sur lui … Il n’a pas le temps de bouger, de se cacher. Il ferme les yeux, se fait tout petit et attend le choc, la mort …
Mais il ne se passe rien.
Il entrouvre un œil, et voit un grand duc posé près de lui, souriant largement.
– Excuse-moi, petit hibou, de t’avoir fait peur. Je ne te veux aucun mal ! Je m’appelle Bubo et suis heureux de t’accueillir.
– Bon…bon…bonjour Maître, balbutie Otus.
– Appelle moi Bubo, pas de cérémonie entre nous. Comment t’appelles-tu ?
– Otus.
– Bien Otus, suis-moi, dit Bubo en ouvrant ses ailes.
– Je…je ne sais pas voler, dit Otus, je suis désolé.
– Ah, pauvre petit hibou, quelle tristesse de ne pas savoir voler pour un oiseau ! Mais cela peut s’arranger, suis-moi !
Et Bubo se met en marche lentement, suivi par Otus.
Ils débouchent tous deux dans une vaste clairière avec en son centre une magnifique verrière diffusant alentour une claire et chaleureuse lumière !
Otus se tient là, le souffle coupé, émerveillé …
Il est présenté à la communauté par Bubo. Les oiseaux se réjouissent de son arrivée et lui souhaitent la bienvenue. Otus remarque que les sourires sont chaleureux, comme étaient ceux de ses parents et de ses amis. Des larmes de gratitude le submergent. Il se sent bien, chez lui.
Plus tard, installé dans le creux d’un petit tronc d’arbre, Otus s’endort et rêve de ses parents, de ses amis, de son passé, du grand voyage accompli…
Il rêve aussi de nouvelles aventures et sourit dans son sommeil