L’oiseau de lumière -2-

Pas assez de lumière

Sous la verrière lumineuse, Otus le petit hibou rêve.

Il rêve qu’il est pris en chasse une nouvelle fois  par une créature ténébreuse qui veut le manger. Otus envoie de la claire lumière pour la pacifier, mais en vain !

Il décide alors de sortir de son rêve. Cette fois-ci, la créature le  poursuit jusque dans le monde physique ! Un énorme tentacule se matérialise déjà et remue violemment pour atteindre sa proie.
Dans un effort désespéré, Otus génère une grande lumière qui renvoie l’être terrible dans son monde d’origine.

Le cœur battant, le petit hibou respire profondément. Pas assez de lumière. Pas assez de puissance pour voyager seul entre les mondes. Il doit s’exercer davantage, dès maintenant !

 Il commence  les exercices de paix intérieure, calme son esprit et détend son corps.

Puis, les yeux fermés, il continue d’imaginer inspirer la lumière et la chaleur du soleil levant, puis expirer en même temps que son souffle une part de l’energie de son corps, formant comme une enveloppe de claire et chaleureuse lumière.

A chaque expiration, il imagine faire grandir cette aura lumineuse autour de lui.

Il sait que les enveloppes ainsi formées par les oiseaux de la communauté s’entremêlent et créent cette  belle atmosphère de lumière et de paix dans la verrière.

Il  pratique longtemps puis sort prendre l’air.

Bubo, un grand hibou amical, se pose près de lui.

— Bonjour Otus, comment vas-tu ?

— Bonjour Bubo, répond Otus, j’ai encore rencontré un être assombri dans mon rêve !

—  Ah j’en suis vraiment désolé pour toi, dit Bubo.  Ton enseignante Tycia est contente de tes progrès. C’est l’énergie de vie que tu acquiers ainsi qui doit attirer les entités sombres. Celle qui te poursuit a faim, tu représentes pour elle un beau casse-croûte !

Otus fait la moue, l’épisode de la nuit est encore bien présent dans son esprit. Il a maintenant peur de voyager en rêve et raconte dans le détail sa mésaventure à Bubo.

— J’ai une proposition à te faire, Otus, dit Bubo. Elle t’aidera à reprendre tes voyages en toute confiance, mais elle a sa part de risque aussi…

— Ah oui ? interroge Otus, soudain rempli d’espoir.

— Je t’ai déjà parlé du groupe d’oiseaux de lumière qui veille sur la verrière. Nous cherchons de nouvelles recrues. Tu es très jeune encore, mais il t’arrive des aventures peu ordinaires. Que dirais-tu de participer à une action du groupe ?

—  Oh oui ! répond Otus, enthousiaste. Je serai heureux d’y participer, surtout avec vous. Merci sincèrement pour votre proposition !

— Ah, répond Bubo, je suis heureux également de ta réponse, mais prépare-toi, ça risque de secouer ! Retrouve-nous au petit-matin à l’arbre central.

Et Bubo s’envole.

La promesse de voyage

Otus va participer à la collecte de nourriture et, tout en mangeant sa part d’insectes délicieux et de graines, il remplit un sac qui sera ensuite porté par les oiseaux jusque dans la verrière. Le petit hibou Kétou vient le rejoindre. Il s’excuse de son comportement violent passé, et veut tourner la page. Il se prépare pour une grande migration, comme le faisaient jadis ses ancêtres. Otus lui souhaite bon voyage.

Puis il part voler au-dessus de la mer. Soudain, un oiseau le frôle, lui donne un coup d’aile en passant et s’éloigne en riant ! C’est son amie la petite chouette Chévia !

Otus éclate de rire et fait mine de lui foncer dessus ! Mais un gros insecte se prend dans son bec grand ouvert à ce moment précis. Le petit hibou manque de s’étouffer et tombe en vrille vers le sol.
Il maîtrise bien le vol maintenant, se redresse, mange l’insecte puis rejoint Chévia, mi amusée, mi inquiète.

— Bonjour Otus, je suis désolée de t’avoir surpris comme ça, lui dit-elle.

— Oh ce n’est rien, répond Otus, j’ai failli mourir ce matin, alors ce n’est pas un insecte qui va me fait peur ! dit-il d’un air bravache.

— Otus, intervient Chévia, tu fais le fier mais tu aurais pu te faire très mal !

— Ah Chévia, en fait je suis très heureux d’être avec toi, merci de m’avoir rejoint.

— Tu as failli mourir ? interroge Chévia.

Et Otus lui raconte son rêve, la terrible créature, puis la proposition de Bubo.

Chévia est sincèrement inquiète pour son ami.

— J’aimerais t’aider Otus, lui dit-elle, c’est un moment dangereux que tu traverses.

—  Merci Chévia, je serai en sécurité avec Bubo, la rassure Otus. Et j’ai une proposition à te faire à mon tour…

— Ah oui, dit Chévia, rayonnante. Qu’est-ce c’est, dis-moi vite, demande-t-elle en lui donnant des petits  coups d’aile impatients.

— Hé tu me chatouilles ! rigole Otus. Voilà, j’ai croisé Kétou ce matin. Il m’a dit qu’il préparait un grand voyage migratoire, je me suis demandé si…

— Si j’allais partir avec lui? complète Chévia. Non, sûrement pas. Nous avons fait la paix tous les deux, mais si je devais faire un voyage, j’aimerais bien partir avec toi, Otus.

Celui-ci rougit, blêmit, passe par toutes les couleurs, ce qui pour un petit hibou gris n’est pas un mince exploit !

— Chévia, c’est ce que je voulais te proposer, lui dit-il timidement.

Alors tous deux se rapprochent, aile contre aile. Trop émus pour parler, ils volent ensemble lentement, longuement.

L’oiseau de lumière

A la pointe du jour, Otus se rend à l’arbre central et retrouve Bubo. Celui-ci le présente aux autres oiseaux. Otus les connait déjà de vue et les salue tour à tour, respectueusement. Bubo précise que plusieurs oiseaux en voyage hors de la verrière vont également participer à l’opération.

Otus choisit un petit trou dans le sol, juste à la base de l’arbre, et s’y installe. Puis il démarre ses exercices d’oiseau de lumière. Il finit en imaginant contrôler son énergie produite sous forme de claire et chaleureuse lumière afin de la partager avec d’autres êtres qui en manquent.

Se sentant prêt, il commence à rêver.

Au fond de l’espace, la créature assombrie  l’attend déjà et se précipite vers lui. Otus ressent son impatience, sa faim. Il lui envoie de la claire lumière qui l’entoure complètement. Mais ce n’est pas suffisant ! La créature continue son chemin et un tentacule s’approche du petit hibou. Celui-ci émet à nouveau de la lumière pendant que ses alliés éclairent l’espace environnant.

Soudain, une autre lumière rejoint celle d’Otus. Le petit hibou reconnaît tout de suite Chevia. Avec leurs claires lumières intimement tressées,  ils entourent l’entité d’une aura lumineuse en forme de cœur géant. La carapace de brumes obscures  se dissipe alors, et un petit être en sort, tout confus. Il est pris en charge par des esprits de lumière qui le guident vers l’espace éclairé

Les oiseaux sortent de leur rêve et se regroupent. Chévia les a rejoint à la demande de Bubo.

Celui-ci remercie tous les participants. Il propose à Chévia et Otus, encore très jeunes mais qui ont fait la preuve de leurs capacités, de participer aux activités du groupe. Tous deux acceptent avec joie.

Bubo s’adresse à Otus ;

— J’ai été surpris par l’intensité de la lumière que tu as produite, dit-il.

— Mais cela n’a pas suffi pour dissiper les ténèbres de l’être ! répond-il. C’est vous tous qui m’avez sauvé, merci très sincèrement !

— Nous avons aidé, certes,  dit Dugo, un autre oiseau de lumière, mais le pouvoir de l’amour a fait des merveilles cette nuit, grâce à vous deux, Chevia et Otus.

Et chaque oiseau commente alors cet évènement magnifique et trop rare, dans un joyeux brouhaha.

Otus se réjouis également de ce moment près de Chévia. Sans rien en dire encore, il a constaté un grand changement en lui, quand sa lumière et celle de Chévia se sont unies. Il a ressenti alors toutes les formes de vie présentes dans la trame de l’univers, en une intime et fantastique connexion cosmique…

La fête terminée, Otus retourne à son petit arbre qui sent si bon. Il s’installe confortablement et repense à cette nuit, mal démarrée avec son cauchemar, et terminée en beauté : la promesse d’un voyage avec son amie Chévia, la créature violente maintenant apaisée,  sa réception comme oiseau de lumière, ce grand changement en lui, …

Il pense à Chévia, s’endort en paix et sourit dans son sommeil.